Rapport annuel des violations des droits syndicaux : Irak 2010
L’année 2009 n’a pas marqué de changement significatif par rapport aux années précédentes. Les autorités irakiennes ont continué à s’ingérer dans les affaires internes des syndicats et ont systématiquement tenté de réprimer et de sanctionner les activités syndicales. Les grèves et les manifestations ont été nombreuses tout au long de l’année. En novembre, Majeed Sahib Kareem, secrétaire des relations internes de la Fédération générale des travailleurs irakiens (General Federation of Iraqi Workers – GFIW) a trouvé la mort dans un attentat à la voiture piégée. Le gouvernement a tenté de s’emparer du contrôle du syndicat des enseignants, tandis que plusieurs travailleurs et syndicalistes du pétrole ont été écroués et soumis à des interrogatoires. L’actuel cadre juridique n’est pas propice à l’exercice des activités syndicales, cependant que les travailleurs du secteur public sont privés de tous droits syndicaux.
Droits syndicaux dans la législation
Les dispositions de l’actuel code du travail relatives aux droits syndicaux demandent à être revues d’urgence. En 2007 a été rendu public un projet de Code du travail qui, bien qu’il reconnaisse les syndicats, renferme une multitude d’aspects qui suscitent préoccupation : Ce nouveau projet de loi interdirait, notamment, aux entreprises du secteur pétrolier de traiter avec des syndicats et manquerait d’assurer une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. Il imposerait, par ailleurs, des seuils de représentation excessifs en ce qui concerne la reconnaissance syndicale. Les lois du travail datant de l’ère Saddam Hussein demeureront en vigueur jusqu’à l’adoption du nouveau Code du travail. Le Décret 150 de 1987 interdit aux salariés des entreprises publiques de s’organiser et a modifié le statut des employés des entreprises publiques à celui de fonctionnaires publics, spoliant du même coup ces derniers du droit de s’organiser. Il interdit également aux employés du secteur public de faire grève. D’autre part, le Décret 8750 introduit par le nouveau régime en août 2005 impose de sévères restrictions aux activités syndicales en interdisant aux syndicats de constituer des fonds, de lever des cotisations et de disposer d’avoirs propres. Le projet de Code du travail reconnaît le droit de négociation collective.
Informations complémentaires concernant la législation Droits syndicaux dans la pratique et violations en 2009
Contexte : En juin, l’armée américaine s’est retirée des villes irakiennes. La stabilité croissante des 12-24 derniers mois a été brutalement interrompue par une série d’attentats à la voiture piégée à Bagdad, dont certains des plus meurtriers à être survenus depuis 2007, qui ont fait des centaines de morts. Un des journalistes les plus influents de la télévision irakienne a été victime d’une tentative d’assassinat. Cet incident expose une fois de plus l’échec du gouvernement irakien à s’attaquer à l’impunité qui entoure les meurtres de journalistes. Une seule centrale syndicale nationale officiellement reconnue : La seule organisation syndicale nationale reconnue officiellement est la Fédération générale des travailleurs irakiens (General Federation of Iraqi Workers - GFIW), créée en septembre 2005 à l’issue d’une fusion entre de la Fédération irakienne des syndicats de travailleurs (Iraqi Federation of Workers’ Trade Unions – IFTU), la Fédération générale des syndicats (General Federation of Trade Unions – GFTU) et la Fédération générale des syndicats irakiens (General Federation of Iraqi Trade Unions – GFITU). Cette situation entraîne de nouvelles restrictions en matière de liberté d’association, comme dans le cas de la Fédération des comités et syndicats de travailleurs d’Irak (Federation of Workers’ Councils and Unions in Iraq - FWCUI), dont la demande de reconnaissance a été rejetée et qui n’est pas la seule à être dans cette situation.
Entraves aux élections sociales : Des élections sociales étaient prévues en mars, en vertu d’un cadre juridique hérité du régime de Saddam Hussein. La « Loi 52 » interdit aux salariés du secteur public de former des syndicats ou d’y adhérer et seuls six syndicats représentant principalement le secteur privé et affiliés à la Fédération irakienne des syndicats (IFTU) ont été autorisés à participer. Les autres syndicats affiliés à l’IFTU et ceux affiliés à d’autres centrales syndicales nationales étaient exclus, au même titre que les trois provinces du nord du Kurdistan. Par ailleurs, le Décret 8750, fort controversé, instauré en août 2005, impose un gel sur les avoirs et les comptes financiers des syndicats. La révision et la suspension éventuelles de l’application de ce décret ne seront envisageables qu’une fois que les élections syndicales auront eu lieu et concerneront uniquement les syndicats autorisés à participer aux élections syndicales officiellement reconnues.
Une majorité de travailleurs privés de liberté syndicale : Compte tenu de la prédominance du secteur public en Irak et du fait que les salariés du secteur public n’ont pas le droit d’adhérer à un syndicat, une majorité de travailleurs se voient de fait privés du droit de s’organiser. Des secteurs tels que les banques, les assurances, le pétrole et autres appartiennent majoritairement à l’État, qui possède également une grande partie de l’industrie.
Des travailleurs du pétrole persécutés pour avoir protesté – Des dirigeants syndicaux soumis à des interrogatoires :
Le 28 janvier, près de 400 travailleurs et employés de la compagnie des industries pétrochimiques de l’État ont mené une manifestation pacifique pour réclamer le paiement de trois mois d’arriérés salariaux et des prestations légales. Le directeur général de la compagnie aurait alors sollicité un délai supplémentaire pour examiner les demandes. Sur ces entrefaites, les travailleurs ont été encerclés par des soldats et informés que l’entreprise refusait de négocier avec eux et que s’ils voulaient discuter, ils devaient le faire avec les militaires.
L’entretien entre l’équipe de négociation et le chef des opérations militaires était filmé sur vidéo. L’armée a cependant promis que les demandes des travailleurs seraient satisfaites – le lendemain, les montants dus aux travailleurs leur ont été versés. Toutefois, par la suite, la direction a envoyé une lettre au ministère de l’Industrie et des Minéraux demandant instamment que des sanctions soient imposées aux quelque 40 travailleurs considérés comme étant les instigateurs de l’action collective. Le 2 février, quatre responsables syndicaux ont été interrogés. Un des syndicalistes, nommément Kareem Johi Sahan, a été mis à pied pour six mois et s’est vu imposer une rétrogradation salariale. En mai 2009, le nouveau fonctionnaire en charge de la direction de l’entreprise a usé de représailles contre de Mohammed Zaki Ibrahim, dirigeant du Syndicat des travailleurs de l’industrie pétrochimique de Bassora, avant d’intenter des poursuites policières contre ce dernier. La police a inculpé Zaki pour activités syndicales « illégales » et l’a taxé de menace à l’économie nationale irakienne. Une instruction publiée le 23 août par le ministre du Pétrole, Hussain Al-Shahristani, ordonnait la mutation, en représailles à leurs activités syndicales, de quatre dirigeants syndicaux employés au sein de la compagnie de forage pétrolier Southern Oil Company. Arrestation du dirigeant du syndicat des ouvriers agricoles affilié à la FWCUI : Le 25 février, Himyar Salih Iqaal, dirigeant du syndicat des ouvriers agricoles affilié à la FWCUI, a été arrêté durant une descente des forces armées à son domicile. D’après sa famille, des hommes armés dont l’allure s’apparentait aux agents des « milices d’intervention » Al Tawari ont fait irruption à leur domicile dans des véhicules militaires sans offrir la moindre explication sur le motif de leur intrusion. Peu de temps auparavant, Himyar avait été nommé chef du syndicat des travailleurs agricoles à l’issue de la redistribution aux travailleurs de terres saisies par des milices semi-féodales, qui avaient fait valoir leur autorité pour confisquer de vastes étendues de terres dans le sud irakien. Le syndicat est convaincu que cette « arrestation » constitue un acte de représailles de la part des milices en question. Après trois mois de détention illégale, Himyar Salih fut relâché le 5 mai, suite au retrait pour manque de preuves du faux chef d’accusation de « terrorisme » dont il faisait l’objet.
Ingérence du gouvernement dans les élections sociales : Le Syndicat irakien des enseignants (Iraqi Teachers Unions – ITU) a signalé l’établissement par le gouvernement d’un nouvel organe officiel investi de pouvoirs lui permettant d’assumer le contrôle du syndicat, de ses registres et de sa propriété. Par ailleurs, le gouvernement irakien a fait fi des résultats des récentes élections sociales en dressant des listes de personnes à inclure au conseil syndical. Passant outre aux récriminations des syndicats, le gouvernement a déclaré que le syndicat devrait procéder à de nouvelles élections et que les dirigeants préalablement élus n’auraient pas le droit de se représenter. L’ITU a déjà organisé deux conférences nationales depuis 2003, de même qu’une conférence d’urgence à la fin de 2007, qui a conduit à l’élection d’un nouveau président en la personne de Jasim Al-Lami. Réagissant à l’ingérence du gouvernement dans les affaires internes de l’ITU, le syndicat a refusé de consentir à la tenue de nouvelles élections, à moins que la direction soit élue à l’issue d’une conférence nationale ouverte organisée par l’ITU. L’ITU a organisé une mobilisation nationale dans le centre de Bagdad le 21 mars mais la manifestation a été interrompue par les forces de sécurité irakiennes. Une seconde manifestation massive a mobilisé 500 participants le 28 mars.
Mutation d’une syndicaliste influente suite à une action de grève : La direction de la General Company for Leather Industries (GCLI) a muté l’éminente militante syndicale Sawsan Mahmoud vers une autre usine. Cette mutation intervient à la suite de la participation de Sawsan Mahmoud à la tête d’une action collective organisée en avril concernant le non-paiement d’arriérés salariaux. La direction de l’entreprise, de connivence avec le ministère de l’Industrie et des Minéraux, aurait transféré la militante syndicale vers l’entreprise Elez, une filiale du ministère. Sawsan aurait fait appel de cette décision auprès du ministre. Celui-ci aurait sollicité des explications concernant les motifs de la mutation. L’entreprise a invoqué sa participation à l’action de grève et le fait qu’elle aurait incité les travailleurs à se mettre en grève. L’entreprise procédait, en même temps, au transfert de six autres travailleurs pour les mêmes motifs. Un syndicaliste muté et menacé : Le 16 avril, Naji Zyara Nasir, employé et militant syndical auprès de la Southern Gas Company, à Bassora, a subi des abus verbaux et physiques des gardiens de sécurité de la firme. Trois jours plus tard, il a reçu une note portant la signature du vice-ministre du Pétrole (MOL), l’informant de sa mutation à la raffinerie de pétrole Al Dora, à Bagdad, où il se trouvera exposé au risque d’assassinat, entre autres menaces à sa sécurité. La Fédération irakienne des syndicats du pétrole (Iraqi Federation of Oil Unions – IFOU) a fait état d’un recours croissant par les compagnies pétrolières à la persécution et à la menace de mutation de militants syndicaux vers des zones dangereuses ou des régions présentant des filiations tribales différentes. L’IFOU enquête en ce moment sur un cas similaire au sein de la Southern Gas Company, firme qui a été retenue en vue d’un investissement de la SHELL.
Des syndicalistes mutés après avoir dirigé des manifestations : La Fédération des comités et syndicats de travailleurs d’Irak (Federation of Workers Councils and Unions in Iraq – FWCUI) a publié une déclaration le 31 octobre dans laquelle elle signale que deux salariés du ministère de l’Industrie (Salim Kadhim et Hatem Mindeel) ont été mutés de leur entreprise (l’entreprise Al Zawraa, à Zafaranyya /Bagdad) vers une firme automobile dans le sud de Bagdad. Cette mesure aurait été prise en représailles de leur rôle en tant qu’organisateurs de plusieurs manifestations de travailleurs et de revendications relatives aux droits des travailleurs qu’ils auraient soumises à la direction de l’entreprise au sein de laquelle ils avaient élus membres du conseil. Les forces de l’ordre ouvrent le feu sur des manifestants pacifiques : Le 6 octobre, les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur une manifestation qui a mobilisé quelque 2.000 travailleurs à Bagdad. De nombreux manifestants ont été touchés par des balles en caoutchouc. Quatre d’entre eux ont été roués de coups avant d’être arrêtés, nommément : Thamir Hameed et Muhammad Khangar, employés d’une fabrique de batteries ; Muhammad Khamees, employé d’une centrale électrique et Munadhil Attia, employé dans une manufacture de cuir. Les participants à la marche avaient préalablement sollicité et obtenu une autorisation de manifestation, qui concernait les salaires, les prestations sociales et le licenciement de travailleurs pour des motifs politiques sous le régime de Saddam Hussein.
Une grève couronnée de succès – Des sympathisants interdits de se joindre à l’action : En novembre, au terme de 6 semaines de grève, les travailleurs du cuir ont réussi à obtenir un engagement des autorités prévoyant le versement de la totalité des prestations sociales et des arriérés salariaux dus. Cette grève s’inscrit désormais parmi les actions collectives les plus longues de l’histoire du mouvement syndical irakien. La Fédération des comités et syndicats de travailleurs d’Irak (FWCUI) a lancé un appel en faveur de l’extension de l’action de grève à l’ensemble du secteur de l’industrie. Une partie des travailleurs de l’industrie du coton auraient envisagé de se joindre à l’action mais leur mobilisation a été empêchée par les employeurs. Les travailleurs d’une fabrique d’ampoules électriques et d’une fabrique de batteries auraient lancé un appel à la grève solidaire au moment-même où la direction accédait aux demandes des travailleurs. Meurtre d’un éminent syndicaliste : Majeed Sahib Kareem, secrétaire aux relations internes de la Fédération générale des travailleurs irakiens (GFIW) a été assassiné le 26 novembre. D’après la GFIW, Majeed, qui jouait un rôle de premier plan dans l’organisation des travailleurs du secteur public, a été tué par l’explosion d’un colis piégé attaché à sa voiture. Ce meurtre est survenu quelques semaines après l’attentat du 1er novembre dans lequel la syndicaliste Maysoon Saheb a été grièvement blessée. La syndicaliste a, par la suite, dû être amputée des deux jambes. Maysoon a travaillé durant de nombreuses années au service des syndicats agricoles à Karbala.


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